Tout pourrait commencer par le renversement d’une
table. Non pour la jeter à terre ou la briser mais
pour la soulever, la lancer en une diagonale, l’inciser
afin d’y faire pénétrer le ciel et l’air
.
Les objets sont construits. Ils sont stables parce qu’ils
assurent leurs fonctions. Les objets nous reposent du mouvement
du monde. Nous pourrions croire que celui-ci est, là,
calmement arrangé pour un repas ou comme un atelier
d’outils sur une table et qu’il suffit de se
servir ou de s’en servir. La sculpture, qui n’est
jamais un objet, n’a que faire de cette construction
solide. Pierre Tual le sait qui envoie au tapis, culbute
ou relève, plie et tord la matière afin de
la faire pénétrer en un nouvel espace. Cet
espace est celui du basculement.
Il qualifie sa sculpture qui est, avant tout, le lieu d’une
métamorphose.
La couleur passe en l’obscur, le décortique,
se fraye, littéralement un chemin dans l’air
pour que s’épanouisse matériellement,
cette route, ce passage. Il prendra les formes évidentes
d’un territoire parcouru, d’un « campement
» où furent conçus les signes d’une
présence recelant l’instabilité et la
qualité du dessein : l’équilibre précaire,
les côtoiements, la tension, la fragilité de
la position pratique et poétique et les valeurs philosophiques
qu’ils présupposent. L’important comme
chez Cratyle, est de maintenir en toute chose conservée,
en toute forme érigée, l’esprit vivant
de la mobilité.